#blacklesbianpoetry
Ecrit en 2019. Edité par Vinciane Mandrin en 2020
Scène ouverte organisée par le collectif Pagaille
2020
Vous pouvez aussi retrouver ce texte sur l'exposition en ligne "Seul-e sur mon ventre en retenant ma respiration" (2020) here >>> https://whenimout.hotglue.me/
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Les Garçonnes Noires
Maquillage, look et photographies. 2020.
J’étais à la recherche de femmes noires appartenant au mouvement des garçonnes durant la période de l'entre-deux guerres (1920's), et petit à petit je me suis retrouvée face au courant artistique de la renaissance de Harlem. Ce qui ne se dit pas apparemment dans l’histoire c’est que ce mouvement (initié par des artistes afro-américain.e.s de classe moyenne) était composé majoritairement de personnes queers. On compte notamment parmi elles.eux des chanteuses de blues emblématiques et ouvertement lesbiennes comme Gladys Bentley, Ma Rainey, Bessie Smith, Lucille Bogan et Ethel Waters. C’est une vraie galère de retrouver certaines de leurs chansons... Par exemple des preuves attestent que Bessie Smith a enregistré un morceau intitulé « It’s Dirty but Good » qui parlait explicitement de relations lesbiennes, mais impossible de mettre la main dessus. Plus tard deux hommes, Ben et Rufus Quillian, ont enregistré une chanson du même titre en 1930.
Une fois le temps des années folles passé, certaines de ces artistes ont du se censurer, revenir sur leurs propos, évoquer des mariages incertains avec des hommes dans des interviews (c'est le cas de Gladys Bentley dont le prétendu mari JT Gibson a démenti leur union), afin d'éviter la déportation, la ruine, la prison, ou encore l'hospitalisation psychiatrique... Ce qui crée des pièces manquantes au puzzle de leurs vies incroyables et inspirantes. Il faut investiguer !

Ici je me suis imaginée en 1920, habillée et maquillée d'une façon qui se réfère à ces femmes, ces "bulldaggers" (terme péjoratif qui désignait les lesbiennes butch afro-américaines dans les années 1920). C'est un moyen et un prétexte pour les ramener au-devant de la scène, pour honorer leurs mémoires, leurs parcours de vie détonants, créatifs, avant-gardes et courageux. En tant que femme noire, lesbienne et artiste performeuse, je me sens proche d'elles (notamment de Gladys Bentley) et je décide de me joindre à elles le temps de quelques clichés, tout en espérant que cette initiative vous donne envie de faire résonner leur musique à vos oreilles.
Ma Rainey (1886-1939) a popularisé le blues aux etats-unis.
Elle a été arrêté en 1925 pour avoir participé à une orgie avec des femmes. C'est Bessie Smith qui est venue la chercher au commissariat. Apparemment les deux femmes avaient une liaison, mais c'est surtout Ma Rainey qui faisait la cour à Bessie Smith. Sam Chatom, le guitariste de Ma Rainey, a affirmé que "Si Bessie était dans le coin, et si elle parlait à un homme, elle (Ma Rainey) accourrait. Elle ne voulait qu'aucun homme ne lui parle".

Gladys Bentley (1907-1960) était unique en son genre. Elle performait en drag (habillée en homme) et était ouvertement lesbienne. Ses back up singers étaient des hommes eux aussi en drag (queen). Elle se serait mariée à Atlantic City avec une femme blanche.
Ethel Waters (1886-1977), pour la petite anecdote elle avait tendance à se disputer violemment en public avec ses amantes. Ses accès de colère l'ont conduite à une mise à l'écart progressive de la communauté lgbtqi+ de l'époque. Ça me rappelle le beef qu'on rencontre aujourd'hui au sein des communautés queer racisées à Paris.
Josephine Baker dans son personnage drag king Zack, influencé par les tenues de Gladys Bentley.
Bessie Smith (1894-1937) était ouvertement bi et couchait avec de nombreuses femmes durant ses tournées. Elle a même était surprise une fois en train de crier à son amante Lillian Simpson "C'est l'enfer avec toi, chienne ! J'ai douze femmes sur ce show et je peux en avoir une chaque soir si je veux". Bessie Smith était aussi l'artiste performeuse noire la mieux payée aux états-unis.
Lucille Bogan (1897-1948) écrivait des chansons à propos de son expérience de travailleuse du sexe, ses combats avec des hommes violents, sa dépendance à l'alcool et dans sa chanson "B.D. Woman Blues" (pour "Blues des Femmes Bulldagger") elle parle des butchs noires et de son attirance pour les femmes.